“Régulation par la lumière des horloges rétinienne et centrale : photorécepteurs et voies de signalisation impliquées”
Le lundi 2 décembre 2024 à 14h, salle de conférence du bâtiment CRNL-IMPACT (16, avenue du doyen Lépine à Bron)
Jury :
Cécile Delettre (Rapporteure)
Jorge Mendoza (Rapporteur)
Anne Didier (Examinatrice)
Frédéric Flamant (Examinateur)
François Rouyer (Examinateur)
Ouria Dkhissi-Benyahya (Directrice de thèse)
La totalité des organismes vivants sur Terre présentent des fonctions physiologiques et comportementales rythmiques d’une période d’environ 24 heures, appelées rythmes circadiens. Ces variations endogènes permettent à l’organisme de s’adapter aux changements cycliques de l’environnement, en particulier au cycle jour/nuit. La phase des rythmes endogènes de chaque tissu est coordonnée au sein de l’organisme par une horloge centrale, située dans les noyaux suprachiasmatiques de l’hypothalamus ou SCN. Chez les mammifères, l’horloge du SCN est synchronisée exclusivement par la lumière et implique les photorécepteurs de la rétine : cônes, bâtonnets et cellules ganglionnaires à mélanopsine. En plus de son rôle de synchronisation du SCN par la lumière, la rétine possède également une horloge circadienne régulant de nombreuses fonctions rythmiques telles que la sécrétion de dopamine ou le renouvellement des segments externes des photorécepteurs. Nous avons montré au sein de l’équipe qu’à forte irradiance, les bâtonnets jouent un rôle crucial dans la synchronisation de l’horloge rétinienne par la lumière en comparaison à l’horloge centrale, suggérant une dichotomie des mécanismes d’intégration de l’information lumineuse entre ces 2 horloges. Trois voies de signalisation de l’information photique par les bâtonnets ont été décrites, dont une impliquant le recrutement des cônes à forte irradiance, via les jonctions communicantes à connexine 36 (Cx36). Mon projet de thèse a pour objectifs de 1) comparer la réponse à la lumière des horloges rétinienne et centrale en utilisant l’approche cellulaire d’induction du proto-oncogène c-FOS par la lumière, et 2) déterminer les voies de signalisation des bâtonnets impliquées dans la remise à l’heure de l’horloge rétinienne. Pour cela, j’ai combiné des approches in vitro/ex vivo chez différents modèles murins : les souris sauvages, Per2Luc, déficientes en bâtonnets Nrl-/- (rodless), ayant uniquement des bâtonnets (Opn4-/-::Trβ-/- ou rod-only), ou chez lesquelles la connexine 36 est invalidée dans l’organisme entier (Cx36-/-) ou spécifiquement au niveau du couplage bâtonnet-cône (RodCre::Cx36fl/fl).
Tout d’abord, nos résultats confirment la dichotomie de réponse à la lumière des horloges rétinienne et centrale à un niveau cellulaire, ainsi que le rôle majeur des bâtonnets dans le décalage de phase de l’horloge rétinienne. Chez la souris rodless, une lumière monochromatique ciblant préférentiellement les bâtonnets (530 nm) induit l’expression de c-FOS dans le SCN mais pas dans la rétine, en particulier dans la couche nucléaire interne (INL). À l’inverse, chez la souris rod-only, la même stimulation lumineuse induit c-FOS dans la rétine (INL et couche des cellules ganglionnaires ou GCL) sans provoquer de réponse dans le SCN. À partir de ces résultats, nous avons déduit une contribution relative majoritaire des bâtonnets dans l’INL et la GCL, et minoritaire au niveau du SCN. En combinant une approche de stimulation lumineuse in vitro sur des explants rétiniens et des bloqueurs pharmacologiques ciblant les voies de transmission des bâtonnets, nous avons mis en évidence que le décalage de phase de l’horloge rétinienne par la lumière met en jeu la voie des cônes, impliquant la connexine 36 et les bipolaires à cône de type OFF. Un troisième objectif de ma thèse a permis de caractériser l’ontogenèse de l’horloge rétinienne, sa réponse à la lumière et le rôle de la dopamine dans sa mise en place au cours du développement. Nous avons démontré que la rétine exprime de façon autonome des oscillations de PER2::LUC à partir du jour postnatal 5 (P5), chez la souris sauvage ou déficiente en mélanopsine. De plus, nos données suggèrent que la dopamine désynchronise l’horloge rétinienne au cours du développement en modulant le couplage électrique via une régulation des ondes cholinergiques selon un mécanisme mélanopsine-dépendant.